Majora’s Mask : le "Zelda maudit" fait un retour fracassant sur 3DS


Lorsqu’à la toute fin des années 90, Shigeru Miyamoto décide d’apposer le qualificatif "gaiden" (hors-série, NDLR) à son prochain Zelda, nul n’est en mesure d’imaginer que Majora’s Mask va devenir l’opus le plus singulier de la série. Pourtant, jusqu’à la mort de la Nintendo 64, le second Zelda en 3D de la série sera voué aux gémonies par quelques inconditionnel amateurs d’idées novatrices, tandis que les plus traditionnels ne voudront y voir qu’une tentative de révolution avortée.

Mais avec le temps et la "casualisation" du catalogue vidéoludique de Nintendo, Majora’s Mask est devenu, au même titre que Final Fantasy VIII, le symbole d’une période où la prise de risque était monnaie courante dans le milieu.

Majora’s Mask, sorti en 2000 sur Nintendo 64, avait été pensé comme une expérimentation par son créateur. Après le succès d’Ocarina of Time (7,6 millions d’unités écoulées), Nintendo voulait tester de nouveaux mécanismes de narration et de gameplay auprès de ses fans les plus fidèles. À l’époque, le changement avait été assez mal accueilli par la communauté, et moins de la moitié des joueurs d’Ocarina of Time avaient franchi le pas (un peu plus de 3 millions d’exemplaires vendus).

Un énorme succès

Avec ce passif, la réédition de Majora’s Mask, commercialisée début février sur Nintendo 3DS, présentait une certaine part de risque pour les finances de "Big N". Pourtant, quinze ans plus tard, le cœur de cible de Nintendo a vieilli, et la mayonnaise semble monter beaucoup plus facilement.

Sur l’archipel nippon, l’édition boite de Majora’s Mask a trouvé preneur auprès de plus de 230 000 joueurs en 48 heures, soit plus de la moitié du nombre total d'exemplaires de A Link Between Worlds vendus depuis sa sortie, fin 2013. Et le remake du "Zelda maudit" est également en tête des ventes partout ailleurs, avec 220 000 exemplaires écoulés en une semaine en Europe et près de 350 000 aux États-Unis.

Mais comment un jeu tant boudé à sa sortie a-t-il pu retourner la tendance à ce point en quinze ans ? Tout simplement parce qu’à l’époque de l’uniformisation de la production vidéoludique AAA, Majora’s Mask apparaît comme un ovni.  

Sans le moindre doute, les derniers Zelda de Nintendo, Skyward Sword (Wii) ou A Link Between Worlds (3DS) notamment, ont tout ce qu’il faut pour être considérés comme de bons opus. Le "level design" des donjons y est très soigné, le scénario suit les codes instaurés par la série sur les deux dernières décennies, et le tout est servi par une réalisation sans faux plis. Mais voilà, depuis quelques années, les puristes reprochent à Nintendo d’avoir laissé tomber Zelda dans une certaine torpeur. Peu d’innovations, une mécanique de jeu trop attendue, assez peu innovante... Des critiques qui ont naturellement alimenté le culte de Majora’s Mask.

Un "Zeldark"

Pourquoi ? Déjà parce le fondement même de la série y est brutalisé. Dans n’importe quel Zelda, la lumière et l’ombre s’opposent en deux mondes, territoires que le héros Link arpente avec pour seule fin de vaincre le mal, représenté par le tyran Ganon.

Dans Majora’s Mask, pas de Ganon, pas d’ombre et pas de lumière. Link se retrouve au cœur d’un monde loufoque, étrange… et voué à la destruction. C’est là toute l’originalité de cet opus : le joueur n’a que trois jours pour sauver Termina, l’univers où se déroule l’intrigue. Soixante-douze heures aux termes desquelles une lune rocailleuse au sourire inquiétant s’écrase inexorablement sur le sol, plongeant le monde dans l’apocalypse.

Chaque jour de ce compte à rebours représente vingt minutes de jeu : une donnée que Link peut manipuler en utilisant un instrument magique, l’Ocarina du Temps. Le jeu déroule son scénario sur une plage d’une heure, durant laquelle tous les personnages de Termina suivent une destinée propre. Et c’est au joueur de s’adapter à ces agendas pour faire progresser l’intrigue.

En sus de cette manipulation du temps, entrevue déjà dans Ocarina of Time mais passée au premier plan avec Majora’s Mask, Nintendo implémente un nouvel élément de gameplay : les masques. Au fil de l’aventure, le joueur débloque de nouveaux artifices qui lui permettent de modifier son apparence et ses capacités, pour pouvoir rejoindre de nouveaux endroits de Termina.

Au total, 24 masques sont disponibles au fur et à mesure que le joueur effectue ses voyages dans le temps. Et c’est là tout le sel de cette aventure. Car plus le joueur progresse dans le jeu, plus il est contraint d’observer minutieusement les routines des habitants de Termina pour optimiser ses trajets, tandis que le compte à rebours le menace. Une mécanique anxiogène et génératrice d’adrénaline qui avait, à l’époque, repoussé certains joueurs.

Et aujourd’hui, tout porte à croire que ces mêmes joueurs ont grandi et ne veulent pas passer une nouvelle fois à côté d’un Zelda unique en son genre. Les chiffres de vente dévoilés ces derniers jours par Nintendo parlent d’eux-mêmes.
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