Sims 4 : itinéraires d'avatars gâtés

Comment concilier dans un même jeu des considérations de rentabilité maximum et une volonté quasi scientifique de retranscrire au plus près le comportement humain ? Le jeu les Sims 4, sorti jeudi 4 septembre, démontre que c'est difficilement réalisable sans faire grincer des dents chez les joueurs.

Côté positif, le quotidien "Le Monde" décrit à quel point les créateurs de ce jeu ont puisé dans la recherche en psychologie comportementale pour modéliser au mieux les aspirations des Sims, ces avatars numériques dont les amours, la carrière et la maison sont entre les mains des joueurs.

Ca fait envie ? À quelques clics du "lemonde.fr", une foultitude de sites spécialisées soulignent la pauvreté de l'offre des Sims 4, quatrième opus d'une saga vidéoludique qui s'est écoulée à près de 200 millions d'exemplaires en 14 ans.

Rendez-vous compte : il n'y a pas de piscine, on ne peut plus acheter de lave-linge, les endroits à visiter sont peu nombreux et les enfants et les chiens n'existent plus. Pour une simulation qui se veut proche de la réalité, ces absences font tâche. Mais, Electronic Arts, qui édite ce jeu, préparerait une longue liste d'extensions payantes (du contenu additionnel) qui serviraient à combler ces lacunes. Une tradition maison bien établie : les Sims 3 avaient accouché de 11 extensions (pour ajouter des nouveaux métiers, des saisons, des nouveaux environnements etc.).

Les Sims 4, une belle coquille vide ? Pour ceux qui connaissent déjà la série, probablement. Les autres (si, si, ça existe) risquent de se retrouver rapidement dans un autre espace temps. Voici, ce qui les attends durant la première heure de jeu.

- Pantalon à carreaux et snob ? Les novices risquent de s'y perdre. Qu'ils se rassurent, la phase de création de l'avatar est l'étape la plus riche en options et donc la plus déroutante, à première vue, du jeu. Tout peut être personnalisé : de l'inclinaison du nez à la forme des sourcils. C'est d'ailleurs l'une des attitudes les plus fréquentes des joueurs dans les Sims 4 : hésiter entre plusieurs choix parfaitement futiles (quel sera la taille parfaite du nez de son avatar ?) et qui apparaissent, sur le moment, tout à fait essentiels.

Sven, la créature au corps de rêve façonnée pour cet article, a ainsi d'abord hésité à prendre l'ensemble prédéfini "cow boy suburbain", avant d'opter pour des pantalons à carreaux rouges et noir et une chemise bouffante du meilleur style "Paris rive gauche".

Pour aller avec ce look ridicule chic, Sven va hériter d'un caractère d'extraverti, snob, fêtard et maniaque du rangement. Ce cocktail explosif risque de donner lieu à des situations cocaces. C'est, en tout cas, l'un des buts assumés de l'auteur de cet article : faire vivre à son avatar les situations les plus embarrassantes possibles afin de satisfaire son ego de démiurge sadique. Temps passé à peaufiner son avatar : 32 minutes

Sven l'avatar crée pour les Sims 4
Sven, l'avatar Snob dans son intérieur rouge et noir.

- Bienvenue au "Cottage du torticolis". Avant d'être le roi des fêtes de "Simsville" et d'accumuler les amis que Sven se fera un plaisir de critiquer dans leur dos, encore faut-il avoir un chez soi. Ce sera le taudis "Cottage du torticollis", une vieille bicoque vide qu'il faut meubler avec 12 000 simflouze (la monnaie du jeu). Une manne financière qui s'épuise très vite, car il faut penser à tout : le lit, les toilettes, les capteurs de fumée (essentiel au début lorsque son avatar n'est pas encore très doué en cuisine), le canapé et toutes les décorations de la moquette au plafond.

C'est là que le bat commence à blesser. Les aficionados du jeu trouveront que les choix ne sont pas à la hauteur de leurs souvenirs des Sims 3. C'est vrai. Les nouveaux venus auront, cependant, largement de quoi tourner leur souris sept fois autour du pot avant de cliquer sur le bouton acheter. Vaut-il mieux dépenser une somme coquette pour se procurer la bibliothèque "pensée profonde" garnie de livres qui permettraient à son Sim s'évoluer plus vite dans certains domaines (logique, écriture etc.), ou économiser sur la bibliothèque - opter pour le modèle "illusion intellectuelle" - et investir dans des toilettes dignes de ce nom. Les Sims passent un temps fou dans la salle de bain.

Sven, quant à lui, a préféré couper court à la séance de torture des 1001 modèles parmi lesquels il faut choisir (même si, répétons le encore et toujours,  le champs des possibles est moins vaste qu'auparavant). Il s'est rué sur une nouvelle option des Sims 4 : les pièces pré-aménagées. Ikea n'aurait pas proposé mieux.  La salle de bain "pureté cosmique" comblera, ainsi, parfaitement ses besoins. N'empêche qu'il se réserve le droit de changer quelques détails comme la couleur du mobilier. Il ne veut que du rouge et du noir. Temps passé à aménager l'intérieur : 17 minutes

- Échec et mat. Sven est sociable. À peine le jeu débute-t-il - après la création du Sims et la décoration de la maison - que le bougre veut rencontrer une nouvelle personne. C'est une conséquence du nouveau système d'aspirations et d'émotions qui dicte le rythme du jeu. Auparavant, les Sims avaient des souhaits à plus ou moins long terme (devenir un peintre de génie, devenir plus riche que Bill Gates etc.). Le joueur pouvait prendre son temps pour les réaliser. Dorénavant, l'état du moment de son avatar (heureux, apeuré, énergisé) lui procure des envies qu'il convient de combler au plus vite. 

Il paraît, assure "Le Monde", que c'est la traduction dans le jeu de la psychologie comportementale positive. Le bonheur n'est pas que l'accomplissement de grands desseins, mais aussi l'assouvissement de petites envies. Possible : reste que Sven se comporte comme un petit enfant gâté dont les "sentiments" peuvent changer du tout au tout simplement en ajoutant un pot de fleurs à une pièce.

Bref, Sven veut parler à un inconnu. Pas de problème, il y en a plethore dans les Sims. Sociable, Sven n'a aucun problème à entamer la conversation et à intéresser son interlocuteur. Mais il est aussi snob et, très vite, il est blasé par ce qu'on lui raconte. Et là, surprise, Sven n'a alors plus qu'une idée en tête : jouer aux échecs. Il parait, d'après ce jeu, que c'est ce que font les personnes blasées. L'auteur de ces lignes, qui a passé des heures derrière un échiquier, cherche encore la logique de cette association d'idée... Mais qu'importe, il faudra donc acheter un échiquier. Pour ce faire, Sven va avoir besoin d'argent, donc de trouver un emploi. Mais ça c'est une autre histoire. Temps passé à "sociabiliser" : 14 minutes.

Y'a-t-il quelque chose de neuf sous le soleil des Sims ? Les puristes diront que non, qu'il y fait même moins beau qu'avant. Il est vrai que toute l'histoire de Sven aurait pu se dérouler, à quelques détails près, à l'époque des Sims 3. Mais pour ceux qui ne connaissaient pas, les Sims offrent le même piège : s'asseoir devant le jeu simplement pour choisir entre deux canapés et s'apercevoir, oh surprise, que trois heures viennent de passer.
Comments or opinions expressed on this blog are those of the individual contributors only, and do not necessarily represent the views of FRANCE 24. The content on this blog is provided on an "as-is" basis. FRANCE 24 is not liable for any damages whatsoever arising out of the content or use of this blog.
0 Comments

Poster un nouveau commentaire

Le contenu de ce champ ne sera pas montré publiquement.
  • Aucune balise HTML autorisée

Plus d'informations sur les options de formatage

CAPTCHA
Cette question vous est posée pour vérifier si vous êtes un humain et non un robot et ainsi prévenir le spam automatique.