Saint "The last of us", vient nous sauver des clichés sur les femmes dans le jeu vidéo. Pour l'heure, la situation est simple : il suffit de taper "women caracter in videogame" (personnage féminin dans les jeux vidéo) dans Google pour se rendre compte de l'étendu du désastre. Il n'y a, peu ou prou, que des liens vers des pages promettant de dévoiler quels sont les personnages féminins les plus sexy de l'histoire du jeu vidéo, ou lesquelles sont les plus fortes.

La femme rentre en effet dans deux cases principales dans le jeu vidéo : la bimbo ou la bimbo qui en a et qui jure autant par les armes que par son rouge à lèvre. Il existe aussi un troisième stéréotype - la princesse à sauver - mais c'est un personnage qui peut rarement être incarné par le joueur. Voila la réalité du desert créatif des studios de développement lorsqu'il s'agit de mettre en scène un personnage féminin.

Rien de révolutionnaire à ce constat. D'autres l'ont déjà fait, et il est régulièrement dénoncé par des joueuses, et plus rarement des joueurs. La féministe américaine Anita Sarkeesian a même lancé, en 2012, le projet d'émission vidéo "Tropes vs. Women in Video Games" (Clichés vs les femmes dans le jeu vidéo) afin d'étudier et de dénoncer la représentation simpliste des femmes dans le jeu vidéo.

"Non, il y a aussi Ellie"

Mais tout ça vient de changer. D'un coup, d'un seul le 14 juin dernier avec la sortie sur Playstation 3 du jeu "The last of us". Pour certains commentateurs du secteur, c'est le messie qui va enfin permettre aux joueurs d'avoir une réponse tout prête lorsque pendant un dîner en ville, on leur demandera : "mais ce n'est pas un peu un hobby pour jeune boutonneux en pleine découverte de leur libido ?". Dorénavant, paraît-il, il sera possible de dire : "non, il y a aussi Ellie"

Mais qui est Ellie ? C'est l'un des deux personnages principaux de "The last of us", un jeu dont le but est de survivre dans un monde post-apocalyptique truffé de méchants et de morts-vivants (ce ne sont pas toujours les mêmes). Ellie commence dans le rôle archi-éculée de la "princesse à sauver", mais devient très vite un personnage plein de ressources qui plus d'une fois vient à la rescousse de son partenaire Joel, pourtant censé être le "héros" du jeu. Ces armes ne sont ni les gros flingues, ni le sex-appeal mais son intelligence pratique et le fait qu'elle sait se montrer plus maline que les autres.

"C'est une femme parfois forte, parfois vulnérable, mais jamais un cliché", se réjouit le site spécialisé dans les jeux vidéo Eurogamer. "The last of us ne vas pas régler le problème du sexisme dans le jeu vidéo, mais c'est un bon début", enchaîne l'article. "Son succès commercial [plus d'un million d'exemplaires vendus en un mois, NDLR] prouve qu'un jeu avec un personnage féminin fort qui n'est pas qu'un faire valoir avec des seins peut marcher. C'est un bon signal pour l'industrie dans son ensemble", conclut Eurogamer.

D'autres se sont également penchés sur ce personnage féminin hors-norme. Le New-York Times rejoint Eurogamer sur l'idée qu'Ellie représente une rupture dans l'imagerie traditionnelle d'une héroïne de jeu vidéo. Mais le célèbre quotidien américain regrette cependant que le joueur peut essentiellement incarner le personnage masculin du jeu. Il ne préside aux destinées d'Ellie que pendant quelques minutes. Comme si les développeurs du studio Naughty Dog ("chien coquin") craignait que les joueurs ne soient pas à la hauteur de la "révolution" féministe de leur personnage féminin.

Un autre aspect n'a pourtant pas été évoqué. Ellie est une adolescente. Trop jeune pour jouer sur l'éventuel sex-appeal et trop jeune aussi pour enfiler le costume de super-héro qui colle à la peau de la plupart des personnages de jeu vidéo. Ils n'ont donc touché aux canons vidéoludiques de la femme que grâce à une pirouette. La véritable révolution viendra lorsqu'un jeu permettra d'incarner un personnage feminin dans toute sa maturité sexuelle ayant une densité psychologique équivalente à celle d'Ellie.