En apparence, la justice coréenne a tapé de la même manière sur les doigts de Samsung et d'Apple. Dans un verdict rendu vendredi, un tribunal de Séoul reconnait, en effet, les deux principaux rivaux du monde des smartphones coupables de violation de brevets. Le géant sud-coréen doit payer une amende de 25 millions de wons (17 500 euros) tandis que celle infligée à son meilleur ennemi américain s'élève à 40 millions de wons (28 000 euros). Pas de quoi, en fait, fouetter un comptable de ces multinationales multiriches.

Le juge a également interdit aux deux groupes de vendre leurs anciens modèles sur le territoire sud-coréen. Apple ne peut donc plus y écouler d'iPhone 4 ou d'iPad 2, et les smartphones Galaxy SII et Nexus ou la tablette Galaxy Tab 10.1 n'ont plus le droit de cité à Séoul et ailleurs dans le pays. Pas de quoi fouetter un revendeur d'iPhone 4S ou de Galaxy SIII.

Si ce verdict ne vaut donc pas par l'impact qu'il pourrait avoir sur le compte en banque de ces serial-vendeurs de smartphones "high-end", il semble surtout indiquer que les juges coréens n'ont pas réussi à faire ressortir un gagnant de la guerre mondiale des brevets que se livrent Samsung et Apple.

Victoire Samsung

Mais c'est en fait une lecture très superficielle du jugement rendu. En réalité, le tribunal a clairement fait prévaloir les intérêts de Samsung. D'abord, parce que dans sa bataille judiciaire contre Apple, le géant sud-coréen ne fait presque jamais condamner l'inventeur des iPhone pour violation de brevet. En fait, Mr Galaxy S & Tab n'a réussi qu'un fois cet exploit : en juin dernier devant une tribunal néerlandais. Le verdict sud-coréen a donc dû faire grincer quelques dents à Cupertino, le siège californien de la marque à la pomme. Apple ne pourrait plus prétendre que les Pays-Bas n'ont été qu'un accident de parcours.

Ensuite, le jugement de vendredi affirme clairement que Samsung n'a pas copié le design des produits de son concurrent, ce qui est le principal reproche d'Apple à l'encontre du coréen. "Il est difficile de prétendre que les consommateurs pourraient confondre un produit d'Apple avec un de Samsung", a affirmé le juge dans son verdict.

D'un point de vue purement comptable, en outre, le constructeur américain a été reconnu coupable de violer deux brevets de Samsung qui lui n'en aurait bafoué qu'un seul.

"Guerre commerciale" ?

Mais plus que le ratio de 2:1, c'est la qualité des brevets retenus par le juge qui donne un avantage certain à Samsung. Apple aurait, en effet, violé des brevets - relatifs à la transmission de données par réseaux mobiles - reconnus comme étant essentiels au bon fonctionnement d'un smartphone. L'infraction commise par le géant asiatique ne concerne, quant à elle, qu'une obscure méthode de défilement de l'écran. Un problème facile à résoudre en repatouillant un peu l'interface utilisateur.

En revanche, rien de tel pour Apple : le groupe sait qu'à chaque fois qu'il sortira un nouveau téléphone, ou une tablette, il risque de se faire épingler sur le territoire sud-coréen à cause de ces brevets.

Autant de raisons qui ont poussé Florian Mueller, spécialiste américain du droit des brevets et auteur du blog FOSS patents, à affirmer que la Corée du Sud vient, en fait, de "déclarer une guerre commerciale" aux États-Unis et que le pays est devenu un "État voyou".

Sans tomber dans ces excès, il est évident que le jugement de vendredi démontre qu'il n'y a pas qu'une lecture, souvent américaine, du droit des brevets. Même si on peut se demander si le tribunal, situé dans un pays où Samsung pèse près 20% du PIB national, a pris sa décision pour des raisons purement juridiques.

Crédit photo : GDS-Production/Flickr