E3 : le dinosaure bouge-t-il encore ?
Rappelez-vous, 2006 : la guerre des consoles battait son plein. Les trois constructeurs - Microsoft, Sony et Nintendo - avaient tous lancé leur star (Xbox 360, PS3 et Wii) à la conquête du cœur des joueurs. C'était il y a six ans, c'était il y a une éternité.
Si à l'époque rien ne semblait plus important que de savoir qui des trois gros bras remporterait le pactole (c'est finalement Nintendo qui s'est imposé avec sa console moins puissante mais tellement plus "mainstream"), le monde du jeu vidéo s'est métamorphosé depuis. Apple, Google, Zynga et Facebook sont venus brouiller les pistes et chambouler les habitudes de jeu.
Pourtant un village résiste encore et toujours à l'envahisseur mobile (iPhone, iPad et autres smartphones Android de Google). Ce haut lieu du déni de la réalité vidéoludique, c'est Los Angeles où l'E3 (Electronic Entertainement Expo) accueille année après année des dizaines de milliers de visiteurs venus se recueillir dans ce temple à la gloire du dieu console.
Hollywood du jeu vidéo
En 2012, du 5 au 7 juin, plus de 40 000 personnes sont attendues pour découvrir à quoi va ressembler la Wii U (la dernière console de Nintendo) et peut-être aussi pour glaner quelques infos sur les futures consoles de Microsoft et Sony. Mais dans les travées de cette immense salon qui brille par son goût immodéré pour les stands tape-à-l'œil et la musique assourdissante, la place plus que ridicule allouée aux stars de la nouvelle économie du jeu vidéo (une vingtaine de stands sur plusieurs centaines d'exposants présents) fait tache.
La première présentation de la Wii U lors de l'E3 2011
Certes Zynga, le roi du jeu sur Facebook, a fait le déplacement pour la première fois, mais n'est-ce pas trop tard ? L'E3 ressemble de plus en plus à un dinosaure condamné à disparaître faute d'avoir su s'adapter.
A dire vrai, le salon de Los Angeles n'a, en fait, probablement pas voulu s'adapter. C'est une grosse machine de guerre qui vit sur son acquis principal : être le tapis rouge pour les trois constructeurs et pour les dizaines d'éditeurs qui commercialisent des jeux pour leurs consoles. L'E3 se complait dans son rôle d'Hollywood du jeu vidéo. On y dévoile des grosses productions qui coûtent des dizaines de millions de dollars à développer. Les stars de ces Oscars du pixel sont essentiellement des suites de jeux qui ont déjà fait leur preuve commerciale. Cette année, ils s'appelleront "Halo 4", "Assassin's Creed III" et autres fils de la revanche du retour de "Call of Duty".
La courte "mise en bouche" de "Halo 4" lors de l'E3 2011
L'E3 est donc la grand-messe des valeurs sures. On peut, à raison, regretter ce manque de prise de risque qui est devenu la marque de fabrique du salon, et qui donne l'image d'une industrie qui n'innove pas réellement alors que la réalité est tout autre.
Décisif
Mais ce gros machin représente néanmoins une industrie qui pèse des dizaines de milliards de dollars et qui a donc besoin d'une vitrine. L'E3 est là pour ça. En effet, si la réussite de Zynga et d'autres est inconstestable, il faut (encore) savoir raison garder. Le roi du jeu sur Facebook a, ainsi, eu un chiffre d'affaires, en 2011, de 1,14 milliard de dollars contre 4,45 milliards de dollars pour Activision, le premier éditeur de jeux vidéo "old school" (pour consoles et PC). Le jeu vidéo sur mobile ne représente, quant à lui, encore que 15 % des plus de 50 milliards de dollars de chiffre d'affaires générés par cette industrie du divertissement à la force de la manette d'après une étude de 2011 du cabinet américain d'analyse du secteur des nouvelles technologies Gartner. Ce spécialiste estime qu'en 2015, les smartphones et autres tablettes pèseront 20 % du marché.
L'E3 est donc encore du bon côté de la barrière, celui où se trouvent les billets verts. Mais ce n'est probablement pas là que s'écrit le futur de l'industrie. Est-ce à dire qu'il faut se détourner de ce dinosaure et aller voir du côté des salons plus spécialisés tels que le GDC (Game developper conference de San Francisco) ou la Gamescom allemande ? Ces rendez-vous ont su s'ouvrir aux tendances nouvelles du secteur et il fait bon y sentir avant les autres la direction du vent qui va souffler sur le jeu vidéo dans les années à venir.
Mais, paradoxalement, l'E3 est actuellement plus décisif que jamais. Les trois constructeurs sont en train de négocier le virage le plus serré de leur existence. Il ne s'agit plus simplement de sortir une nouvelle console et d'encaisser sagement l'argent. Ils doivent prendre en considération toutes les évolutions du secteur s'ils veulent rester dans le coup. Leur challenge ? Montrer qu'ils savent encore prendre des risques et du coup sortir l'E3 du train-train un peu plan-plan qui a été le sien ces derniers temps. C'est une question de survie et ça fera du bien au salon lui-même.
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