Google change la donne en rachetant Motorola

C'est l'un des plus gros pavés lancés dans la mare des smartphones depuis l'introduction en 2007 de l'iPhone. Google a décidé, lundi, de signer un chèque de 12,5 milliards de dollars (8,75 milliards d'euros) pour s'offrir Motorola Mobility. Une acquisition à visée purement défensive pour les uns, tandis que d'autres saluent l'une des attaques les plus audacieuses contre Apple. Une décision qui n'a en tout cas laissé personne indifférent.

 

A première vue, l'opération paraît simple : Google - qui détient un système d'opération ultra-populaire (Android) pour smartphones - s'est offert un constructeur de téléphones. Une stratégie qui ressemble à celle d'Apple. La marque a la pomme fabrique elle-même ses iPhone, qu'elle équipe de son propre système d'opération (iOS). Steve Jobs a ainsi un contrôle total de la chaîne de fabrication. Un luxe que Google n'avait pas jusqu'à présent. Il devait prier pour que les Samsung, HTC & Co fasse du bon boulot avec leurs smartphones. Dorénavant, avec Motorola, Larry Page, le PDG du géant de Mountain View (Californie), peut faire pareil que l'iPhone.

 

Pour quelques bouts de papier

 

Mais l'hypothèse d'une simple "appleïsation" de Google est un peu courte. Pour quelle raison, le géant de l'Internet aurait-il besoin de faire comme son grand rival ? Sa politique de laisser d'autres constructeurs installer son Android sur leurs appareils a permis à Google de devenir le roi des smartphones. Selon le cabinet d'études américain Gartner, il detient en effet près de 40% des parts de marchés au niveau mondial. Un argument de poids pour les publicitaires. Et au final, la publicité reste le coeur du métier de Google.

 

Nombreux sont ceux qui pensent que cette acquisition visait avant tout à mettre la main sur les quelques 17 000 brevets détenus par Motorola (qui en a encore plus de 5 000 de plus en attente de validation). Celà ferait un peu cher payé le bout de papier, non ? Pas tant que ça, car depuis quelques mois, la bataille des brevets fait rage aux États-Unis et Google en est l'une des principales cibles.

 

En effet, le credo de Google a toujours été de dire que son système d'exploitation peut être utilisé gratuitement par n'importe quel constructeur. Seulement voilà : des concurrents du géant de l'Internet, tels que Microsoft, ont commencé à exiger des fabricants de smartphones Android des droits pour l'exploitation de brevets qu'ils detenaient sur des technologies communes trouvés sur tous les smartphones. Du coup, l'argument massue de la gratuité s'envolait.

 

Les 17 000 brevets que Google vient d'acquérir (il n'en avait environ que 2000 auparavant) lui permettront de construire une sorte de muraille de protection autour de ses partenaires. A chaque fois qu'un Microsoft ou autre viendra brandir un brevet, Google pourra probablement en sortir un autre tout aussi valable. Pour bon nombres de commentateurs cette acquisition est donc avant tout défensive.

 

Mais il faut être vraiment aux abois pour dépenser 12,5 milliards de dollars, soit pas loin de la moitié de sa fortune, uniquement pour se défendre. Google est pourtant toujours en train de gagner des parts de marché. En fait, il y a probablement un peu d'attaque-défense dans cette giga-acquisition.

 

Le cygne et les vilains petits canards

 

Et surtout, que Google le veuille ou non, cette acquisition va certainement bousculer le marché. Jusqu'à présent tous les constructeurs de smartphones Android étaient sur un pied d'égalité. Maintenant que Motorola appartient à Google, il y a un beau cygne et beaucoup de potentiels vilains petits canards. Le géant de l'Internet aura probablement du mal à éviter d'utiliser les ateliers Motorola pour se constuire un modèle de smartphone sur mesure doté du sceau officiel Google et de toutes les dernières innovations de ses ingénieurs. En clair, Motorola risque d'avoir toujours un temps d'avance sur les autres.

 

Ces derniers vont donc alors devoir choisir : rester dans le giron Google pour profiter de la force de frappe Android ou aller voir ailleurs. Dans le premier cas, ils subiront une pression constante de leur Google nourricier. Ce dernier pourra toujours brandir la menace de sortir le nec plus ultra des smartphones Android pour les forcer à faire plus ou moins ce qu'il veut. Un rapport de force qui peut être bénéfique et pousser les HTC, Sony et autres à améliorer les finitions de leur téléphone. Mais ce n'est pas une situation très confortable pour ces constructeurs.

 

S'ils vont voir ailleurs, il y a de fortes chances qu'ils aillent taper à la porter de Microsoft. Ce dernier propose aussi, avec Windows Phone, d'équiper les constructeurs d'un système d'exploitation. L'afflux de nouveaux prétendants ne seraient pas forcément une bonne nouvelle pour Microsoft. Il a en effet signé un partenariat privilégié avec Nokia pour la construction de téléphones. Microsoft risque alors de se retrouver dans la situation inconfortable de devoir choisir entre la loyauté envers son nouveau meilleur ami finlandais et la tentation d'aggrandir son cercle de prétendants...

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