Parlez vous le langage NSA ?

“Pinwale”, “Blackfoot” ou encore “Scissors” et “Klondyke” : voici quelques-uns des mots doux désignant des opérations, protocoles ou sous-programmes qui apparaissent au fil des documents internes de l’Agence américaine de sécurité nationale (NSA) au sujet de Prism. Chaque révélation sur ce programme massif de surveillance des communications, que ce soit dans le “Guardian”, le “Washington Post” et maintenant aussi dans le quotidien allemand “Der Spiegel”, lève un coin de voile supplémentaire sur ce qui ressemble de plus en plus à une véritable usine à gaz administrative.

 

Les diverses opérations d’espionnage de pays européens, révélées ce week-end par le “Spiegel” et le “Guardian”, et qui provoquent un scandale en Europe répondent à cette manie du nom de code. “Perdido” [nom d’un standard du jazz] désigne l’opération de mise sur écoute de l’ambassade de l’Union européenne à Washington. “Blackfoot” [nom d’une confédération de tribus d’indiens nord-américains] correspond à l’espionnage de la délégation française à l’Organisation des nations unies (ONU) et l’opération “Klondyke” [nom d’une ville fantôme dans l’Arizona] vise, quant à elle, à savoir tout ce qui se passe à l’ambassade de Grèce à Washington.

 

Les noms de code font, certes, partie de l’univers des opérations d’espionnage et participent même à leur romantisme. Mais cette manie s’étend en fait à tout ce qui touche de près ou de loin au programme Prism. La lecture de son “guide d’utilisation” à l’attention des agents de la NSA, publié samedi 29 juin par le Washington Post, illustre parfaitement cette obsession. Impossible de s’y retrouver dans ce dédale d’appellations barbares incompréhensibles pour le commun des mortels.

 

Kafkaïen

 

Dans le document détaillant le processus de traitement des données collectées grâce à Prism, les informations que les géants du Web (Google, Facebook, Yahoo etc.) fournissent sur ordre à la NSA se retrouvent ainsi embarquées dans un périple administratif kafkaien. Il faut d’abord passé par “Printaura”, qui désigne le processus qui automatise le traitement des informations. Vient ensuite Scissors qui est le protocole permettant des classer les documents selon qu’il s’agit de : Pinwale pour les vidéos, Nucleon pour la voix, Marina pour les enregistrements de navigation sur le Net ou Mainway pour les appels téléphoniques. Même les filtres qui permettent de déterminer si les données interceptées proviennent ou non d’un utilisateur américain ont leur petit nom : ils s’appellent Fallout et Conveyance.

 

 

Mais la NSA atteint le comble de la taxinomie en folie lorsqu’il s’agit de classer les (cyber)écoutes. A quoi correspond, par exemple, le cryptique P2ESQC12001234 qui apparaît dans l’un des documents publiés par le "Washington Post" ? Tout simplement à un email fourni par Yahoo en 2012. En effet, le numéro qui suit le “P” correspond à une entreprise de 1 (Microsoft) à 8 (AOL). La lettre qui vient ensuite désigne le type de document fourni : si “E” équivaut à un e-mail, “J” est une vidéo et “D” désigne une notification en temps réel lorsqu’une personne se connecte à un service de chat ou s’en déconnecte. L’indication de l’année est donnée par les deux chiffres après le SQC (qui est le label “Prism”). Enfin, les six derniers chiffres sont le numéro de série du fichier archivé. CQFD.

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